🎬Pourquoi ne gagnons-nous pas d'Oscar ? L'absence du cinéma arabe des prix mondiaux
- Sherifa Elsos
- 3 août
- 4 min de lecture
Malgré l'histoire cinématographique séculaire du monde arabe, et plus particulièrement de l'Égypte, qui fut jadis surnommée « Hollywood de l'Orient », notre présence dans les plus grandes enceintes cinématographiques internationales demeure faible et marginale. Pas d'Oscar, pas de Palme d'or, pas de Lion d'or, ni d'Ours d'argent !

Alors, où est le problème ? Est-ce la faiblesse de la production ? La superficialité des sujets ? Ou l'absence de stratégie ? Pourquoi nos films n'atteignent-ils pas une audience mondiale, alors que nous possédons techniquement et artistiquement tous les outils disponibles pour le cinéma international ?
Nous avons les outils… Mais où est la vision ?
Aujourd'hui, de nombreux pays arabes possèdent des capacités de production incroyables. Nous avons des caméras de cinéma modernes (RED, ARRI Alexa), des studios de pointe, des logiciels de montage et d'effets visuels qui rivalisent avec Hollywood, ainsi que des acteurs de haut niveau, dont certains ont déjà remporté des prix internationaux comme Rami Malek, Ferial Youssef, et Amal Clooney (à travers des œuvres artistiques ou documentaires internationales). Malgré tout cela, le cinéma arabe est absent des listes officielles des grandes compétitions.
L'absence de l'Oscar… Un cinéma qui ne rivalise pas
À ce jour, aucun film arabe n'a remporté l'Oscar du meilleur film en langue étrangère (aujourd'hui appelé meilleur long métrage international), à l'exception de quelques nominations honorifiques, telles que :
"Theeb" (Jordanie) – Nommé en 2016
"Capharnaüm" (Liban) – Nommé en 2019
"Et maintenant, on va où ?" de Nadine Labaki – Non officiellement nommé mais a reçu un écho mondial
Quant au cinéma égyptien, malgré ses nominations précédentes (telles que "Al-Masir," "Al-Bidaya," et "Al-Mohajer"), il n'est pas encore parvenu à se rapprocher de la liste finale.
La Palme d'Or… Des aventures rares
Même au Festival de Cannes, l'un des festivals de cinéma les plus grands et les plus prestigieux, aucun pays arabe n'a remporté la Palme d'or (à l'exception d'un seul film algérien en 1975, "Chronique des années de braise" de Mohammed Lakhdar-Hamina). Nos participations à la compétition officielle sont rares et passent parfois inaperçues. Cela signifie que la crise ne concerne pas seulement l'Oscar, mais notre présence internationale en général.
Pourquoi nos films ne sont-ils pas vus sur la scène mondiale ?
La réponse n'est pas simple, mais elle se compose de plusieurs raisons imbriquées :
Faiblesse de la vision narrative : La plupart de nos films tournent autour de thèmes répétitifs (voyous, vie de quartier, blagues rapides, mélodrame) et n'offrent pas une perspective humaine profonde ou un récit différent.
Écriture précipitée : Le scénario ne reçoit pas l'attention nécessaire. La plupart des films sont écrits rapidement, sans recherche ni ateliers, souvent pour plaire au marché, et non pour créer un film qui dure.
Répétition et manque d'audace : Il est rare de trouver un film arabe qui brise les tabous ou propose un traitement philosophique ou symbolique audacieux. Le cinéma international, en particulier dans les festivals, recherche l'audace et l'expérimentation.
Marketing artistique faible : Atteindre les Oscars ou Cannes ne se résume pas à un bon film ; il s'agit d'un système de distribution, de relations internationales, d'agents et de promotion artistique. C'est ce qui nous manque complètement.
Absence de vision stratégique pour l'industrie cinématographique : Presque toutes les productions sont individuelles, commerciales ou aléatoires, sans plan national pour le cinéma en tant que soft power.
Le paradoxe : Nous avons tout… et il nous manque l'essentiel !
Nous avons la technologie, le talent, l'argent (dans le Golfe et avec certains grands producteurs), et un public. Mais il nous manque les deux éléments les plus importants :
Le Message : Avons-nous quelque chose à dire au monde ? Notre film reflète-t-il l'essence de la société arabe ? Porte-t-il une dimension humaine qui fait que n'importe qui à Paris ou à Tokyo se sent concerné par l'histoire ?
Le Métier : Le cinéma est un mélange d'art et d'industrie. Cela exige de développer le scénario, les visuels, la musique, les acteurs et le rythme avec un véritable professionnalisme.
Exemples de pays qui ont réussi :
Corée du Sud : A atteint une renommée mondiale grâce à un cinéma audacieux comme Parasite, qui a remporté l'Oscar et la Palme d'or sans perdre son identité.
Iran : Malgré les sanctions et la politique, il a présenté une vague de cinéma réaliste qui a fait de ses films des invités permanents à Cannes et à Berlin.
Inde : S'est affranchie de Bollywood pour présenter un cinéma indépendant qui a atteint les forums internationaux.
Que devons-nous faire ?
Créer des fonds de soutien pour le développement du scénario : Des programmes de résidence pour les écrivains, des ateliers d'écriture, des concours officiels et un soutien aux films audacieux.
Soutenir le cinéma indépendant : Produire des films pour un public mondial, et pas seulement local.
Collaborer avec des distributeurs internationaux : S'associer avec des sociétés de distribution mondiales comme Pyramide, Memento et Wild Bunch pour amener le film dans les festivals et sur les marchés.
Lancer un projet cinématographique national : Sous l'égide d'un ministère de la Culture ou d'une entité indépendante, avec pour objectif de créer un plan pour transformer le cinéma en une source de soft power et d'influence internationale.
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